Je pousse la porte et nous entrons dans l'antre des guerriers. L'odeur de peinture nous saisit mais ce n'est pas incommodant. Devant nous, un décor de camouflage recouvre les murs d'une grande salle pas très propre. Neuf tables de pique-nique placées sur deux rangées dont certaines affichent une petite pancarte avec le prénom de l'enfant et l'heure de la fête. Ce jour-là., quatre p'tits gars entourés de leurs amis et peut-être de quelques filles fêtent leur 12è ou 13è anniversaire dans ce haut lieu de la violence fictive. Il est midi. Le jeu commence à 13h00. Thomas installe son sac à roulettes contenant son attirail de guerre sur une table libre. Plusieurs jeunes viennent le saluer et lentement tout en discutant de la formation des équipes, il sort du sac une mallette en plastique dans laquelle se trouve son nouveau fusil reçu en cadeau, dix jours avant sa fête. Tous ses gestes sont posés avec adresse durant qu'il monte son arme. Puis, son entrain montre le bout du nez pour nous expliquer le maniement de ce fusil pendant que Normand l'aide à remplir le chargeur de cent balles... de peinture. Nous sommes dans le plus grand paintball intérieur au Canada.
13h00, la partie commence dans quelques minutes, tout le monde est invité à se rendre dans le corridor de la mort qui donne accès au champ de bataille. Après avoir mis leur casque (obligatoire), ils sont prêts.
Je les regarde et je pense à ses tueries dans les écoles, les universités... Pourtant ces jeunes veulent seulement s'amuser. Ils rient en se racontant des histoires et il n'y a aucune agressivité dans leurs gestes. Je suis rassurée. Des hommes, des jeunes garçons, des pères et leurs fils unis par la passion des armes... seront-ils désensibilisés par ces jeux? J'espère que non.
Durant que Thomas s'amuse à jouer à la guerre, moi je suis bien installée dans une causeuse camouflage. J'ai mon coussin poule et petits poussins. Ce n'est pas le genre de la maison mais mon dos l'adore. Mes pensées dansent dans ma tête mais dès que je me concentre sur la lecture de "Chagrin d'école" de Daniel Pennac, j'oublie que la guerre est déclarée. Th, entre deux combats, vient s'asseoir en sueur sur la causeuse. Il m'explique les stratégies qu'il développe continuellement pour gagner. Si je veux le voir combattre, je dois mettre un casque et longer le corridor de la mort. Je me suis contentée en regardant derrière des panneaux de fibre de verre très sales. Durant une partie, quand un joueur est tué il doit attendre dans le corridor de la mort que la partie soit terminée.
Une partie comprend 6 ou 7 joueurs dans chaque équipe et dure en moyenne 15 minutes. Mais comme le dit si bien Thomas, une big game c'est deux équipes de 50 joueurs et ça dure entre 45 et 60 minutes. Nous sommes sortis à 17h15, épuisés mais contents de ce beau dimanche après-midi. Il faisait 37 degrés dans l'auto stationnée en plein soleil. Vite l'air climatisé... Mon fils Michel était étonné qu'on ait passé autant d'heures enfermés par une superbe journée d'été. Qu'est-ce que des grands-parents ne feraient pas pour le bonheur de leur petit-fils même s'il fait 30 degrés à l'extérieur...
« Les enfants c'est comme les oiseaux, il faut qu'ils sautent dans le vide
sinon ils sèchent dans le nid. »
Émission 30 vies à Radio-Canada